L’arrivée programmée du malus rétroactif sur les voitures d’occasion était évidemment sur toutes les lèvres, à UniversVO, l’espace dédié aux acteurs du secteur, lors du récent salon Equip Auto. Le dispositif provoque de l’inquiétude chez les directeurs d’enseignes. “Par manque de compréhension et donc de lisibilité, nous avons décidé de freiner les approvisionnements sur certaines voitures”, confie le responsable VO d’un groupe de distribution majeur de passage au salon.
Pour mémoire, l’article 29 de la loi de finances du 14 février 2025 apportait quelques modifications de taille au régime en vigueur, dont en premier lieu, la facturation rétroactive du malus écologique et du malus au poids. Une disposition qui s’appliquera à compter du 1er janvier 2026, sur toutes les voitures d’occasion ayant été exonérées de taxe lors de la première immatriculation, si celle-ci a eu lieu après le 1er janvier 2015.
Dans ses éléments de langage, le gouvernement français laissait entendre que cette mesure avait vocation à contrer les stratégies de contournement du malus sur les véhicules neufs. Chez les professionnels, cette annonce a nourri des fantasmes depuis des mois, beaucoup y voyant un coup porté au commerce de voitures d’occasion.
Dans les faits, seront concernées les voitures dont le premier propriétaire se trouvait être un diplomate ou un titulaire d’une carte mobilité inclusion. “Lorsque la voiture a été d’abord acquise au titre de véhicule pour une famille nombreuse, le malus a été acquitté puis remboursé. Il n’y aura donc pas de malus rétroactif“, nous explique un professionnel néanmoins fondamentalement opposé à ce système de taxe.
Un cruel manque de transparence
De combien de voitures parle-t-on depuis dix ans ? Quelques milliers pour certains et quelques dizaines de milliers selon d’autres. Impossible de savoir réellement, comme le confirment les services de AAA Data. “Malheureusement, nous ne pouvons pas identifier les voitures neuves qui auraient été exemptées de malus. En effet, par exemple, dans le cas de l’exemption du malus pour handicap, la carte mobilité inclusion est liée à la personne et non pas à un véhicule adapté ou non“, explique au Journal de l’Automobile Marie-Laure Nivot, directrice de l’analyse de marché.
Voilà ce que regrettent en réalité le plus les professionnels : le manque de visibilité. Il n’existe à ce jour aucun moyen de vérifier à tout instant le statut d’un véhicule. Quand il s’agit du primo-détenteur, la carte grise donne l’information. Mais à partir du deuxième propriétaire, la mention du malus disparaît du document. “L’État ne nous donne aucun outil pour travailler en toute transparence“, regrette ce spécialiste du premium qui se dit particulièrement exposé aux risques. La vigilance des vendeurs ne pourra pas toujours protéger les entreprises.
Il existe une combine – une escroquerie, en fait – qui consiste pour les auteurs à utiliser frauduleusement la carte mobilité inclusion d’un proche. Une fois le véhicule acheté avec une exonération de malus écologique et/ou au poids, ils revendent le véhicule aux conditions du marché VO en répercutant tout ou partie du montant théorique de la taxe. Ils empochent ainsi cette différence. Et le distributeur de décrypter : “aujourd’hui, nous pourrions effectuer des reprises de voitures sans connaître de telles origines. A la revente, nous aurions alors la mauvaise surprise de découvrir la situation réelle, de devoir éponger le coût du malus et de mettre notre entreprise en difficulté financière“.
La FNA réclame plus de justesse
La rétroactivité de l’application du malus a peu de chances de mettre le marché des voitures d’occasion dans le rouge, car la grande majorité des voitures en circulation sont dégagées de toute dette fiscale. Elle compliquera la vie des enseignes qui vivent de l’importation de véhicules, dont des SUV frappés de malus au poids à la douane. Sur un marché tricolore qui a consommé à plus de 51 % des véhicules de moins de 10 ans (dont 22 % de voitures d’occasion âgées de 6 à 10 ans), depuis le début de l’année, l’effet pourrait être significatif.
La grille de calcul a cependant une très forte probabilité d’ajouter de la complexité. Plus que jamais, les commerciaux seront davantage des fiscalistes que des spécialistes de l’automobile à proprement parler. Comme nous l’expliquions en mars dernier, un système d’abattement qui considère, d’une part, l’âge et, d’autre part, le kilométrage (à partir de 2027) d’un véhicule d’occasion entraînera un calcul sur la base d’un coefficient forfaitaire de décote.
Sur ce point, la Fédération Nationale de l’Automobile (FNA) monte au créneau. Elle fera preuve d’intransigeance. “Nous contestons le mode de calcul de la dégressivité. Certes elle n’est plus aussi linéaire que dans la première mouture, mais elle manque de justesse, explique Aliou Sow, le secrétaire général de la fédération. Si nous ne sommes pas écoutés, nous irons la contester auprès de Bruxelles“.
L’actuelle grille prévoit une dégressivité du malus de l’ordre de 12 % par an. Pour la FNA, il doit être réduit de 25 % dès la première année et de 50 % au bout de 3 ans, puis décroître au fil du temps. Surtout, comme le souligne Aliou Sow, il faut suivre la courbe de dépréciation des véhicules eux-mêmes afin de modérer l’impact du montant de la taxe résiduelle sur le prix final réglé par l’acheteur.
Histovec dans la boucle ?
Cette rétroactivité pourrait aussi engorger les tribunaux. Nous n’avons parlé jusqu’à présent que des activités professionnelles. Mais les transactions conclues directement entre deux particuliers sont tout autant concernées. Sans des conseils avisés, auront-ils la présence d’esprit d’effectuer ces contrôles ? “Il y a, en plus, un délai de latence administrative, rappelle un directeur d’enseigne, certains pourraient recevoir un courrier deux ou trois mois après l’achat avec un montant démesuré. Ils n’auront pas d’autre choix que de recourir à la justice pour poursuivre le vendeur au motif de vice caché“.
L’existence d’un outil devient impératif. Les regards se tournent donc vers Histovec. L’État aurait tout intérêt à enrichir la plateforme d’information sur l’historique des véhicules avec les données en provenance du SIV. Là encore, la FNA milite en ce sens et les concessionnaires l’approuvent. Accessible à chacun, Histovec renseignerait les acheteurs et les vendeurs de voitures d’occasion sur la situation réelle. L’horloge tourne, il n’y a plus de temps à perdre.
Automobile Magazine-France