“Je n’ai jamais eu un patron au‑dessus de moi. Ou peut‑être mon père, quand j’ai commencé à travailler.” Joseph Dusserre est un homme libre. Quittant les Hautes‑Alpes au milieu des années 80 après avoir travaillé comme agent Renault, une agence fondée par son père qui était passé du machinisme agricole à la voiture, il décide de monter un garage à Grenoble (38) sur les conseils de son beau‑père, concessionnaire Toyota dans la même ville. “Il y a une nouvelle marque de 4 x 4 qui veut s’installer ici, tu devrais la prendre“, lui glisse‑t‑il.
Cette nouvelle enseigne, c’est Santana, une marque espagnole qui produisait sous licence des petits 4 x 4 Suzuki à une époque où les constructeurs japonais étaient soumis aux quotas d’importation. Joseph Dusserre s’installe avec sa femme Christine sur un terrain en face du site de son beau‑père et lance son affaire. Une affaire qui fête cette année ses quarante ans et qui est dirigée depuis 2018 par Laurent Dusserre, bien que Joseph soit encore bien présent. “Que voulez‑vous, je suis malade quand je n’ai pas vendu une voiture au bout de quinze jours !“, s’exclame‑t‑il.
Pour autant, l’homme n’était pas vraiment destiné à évoluer dans le monde automobile. Dans sa jeunesse, il préférait dévaler les pistes à toute vitesse. Skieur hors pair, il a remporté plusieurs compétitions de haut niveau, notamment le titre de vice‑champion d’un challenge militaire.
60 voitures au démarrage
Bien avant que l’entreprise ne s’appelle Seyssinet Alpes Auto, du nom de la commune où la concession est installée, Joseph Dusserre commercialise donc ses premières voitures. “À l’époque, les 4 x 4 étaient rares, encore plus les petits modèles et j’avais comme seuls concurrents les Lada Niva et les Fiat Panda 4 x 4 qui se vendaient comme des petits pains dans une région comme la nôtre“, se rappelle‑t‑il. Mais la marque Santana n’est pas connue, il faut la développer. Le démarrage n’est pas immédiat et sa femme et lui retroussent leurs manches. La première année, ils en vendront 60. Quarante ans plus tard, la concession met à la route près de 450 Suzuki (et 50 Mitsubishi) et réalise un chiffre d’affaires de 19 millions d’euros.


Laurent Dusserre, directeur général, et Joseph Dusserre, président de Seyssinet Alpes Auto ©Suzuki France
En 1992, Suzuki débarque officiellement en France, Joseph Dusserre continue naturellement à travailler avec la marque japonaise qui lui a permis de démarrer. À Grenoble et dans tous les massifs qui surplombent la ville, ses petits samouraïs sillonnent les routes en lacets et franchissent les cols. “Nous sommes en pleine période de raids mythiques comme le Paris‑Dakar, le 4 x 4 a le vent en poupe et fait rêver“, se rappelle Joseph Dusserre.
Deux ans auparavant, il s’agrandit et prend la distribution de Porsche et de Mitsubishi. L’aventure s’arrêtera au début du 21e siècle, définitivement pour Porsche, mais Mitsubishi reviendra dans le hall d’exposition en 2010. “L’arrêt de ces deux marques nous a permis de passer à la vitesse supérieure avec Suzuki et de nous concentrer uniquement sur cette marque“, explique Joseph Dusserre.
100 % japonais
En 2010, Laurent, le fils unique de Joseph, revient du Japon. Lui qui parle parfaitement le japonais et qui est marié avec une Japonaise a passé six ans dans les pièces de vélo et commence à travailler avec son père. C’est d’ailleurs grâce à lui si la concession distribue Mitsubishi. “Il est revenu du Japon en me disant qu’il fallait absolument ce panneau“, sourit Joseph Dusserre. Depuis, la marque a connu quelques vicissitudes et n’est plus sur le devant de la scène comme elle a pu l’être.
Il semble, en effet, assez difficile de faire venir des clients pour des véhicules très similaires à des Renault Clio ou Captur, d’autant plus que l’ADN de la marque, du moins sur le marché français, est le pick‑up L200, le Pajero et l’Outlander, des modèles parfaitement adaptés aux conditions hivernales et montagneuses de la région. “La transmission intégrale est fortement demandée par nos clients“, indique Laurent Dusserre. Alors que ce type de transmissions représente 8 % de part de marché en France et 29 % chez Suzuki, Seyssinet Alpes Auto commercialise 43 % de ses immatriculations en 4 x 4. Sur certains modèles, c’est même 90 % ou 100 %, comme c’est respectivement le cas sur le Vitara et le S‑Cross. “Sur la Swift, nous sommes à une vente sur trois, alors qu’au niveau national, la pénétration est de 9 %“, poursuit le dirigeant.
Une part de marché très forte
Et la transmission intégrale n’est pas le seul sujet sur lequel le concessionnaire performe et se démarque. Il est, en effet, le plus ancien représentant et le seul distributeur indépendant du réseau Suzuki, avec un seul point de vente, à intégrer le top 10 des concessionnaires de la marque. En région Auvergne‑Rhône‑Alpes, la région la plus importante pour le constructeur japonais, il surperforme. À fin août 2025, Seyssinet Alpes Auto détenait une part de marché de 2,69 %, alors que celle de Suzuki au niveau national est de 1,2 %.
Si cette pénétration n’est pas la plus importante de la région, le record étant battu par Maurin, le groupe de distribution qui possède une concession à Albertville (73) avec 5,06 %, elle est exceptionnelle en volume. Car, toujours sur la même période, Seyssinet Alpes Auto a commercialisé 282 voitures, contre 92 pour le site d’Albertville. “Nous sommes présents sur tout le sud du département, qui est une zone très vaste, avec les massifs du Vercors, de la Chartreuse, de Belledonne et de l’Oisans“, indique Laurent Dusserre, le nord étant couvert par deux autres acteurs, Richard Drevet, présent à Vienne (38), et Tunesi Automobiles, également indépendant et distributeur Fiat, à Bourgoin‑Jallieu (38).


La concession a un objectif de 450 VN en 2025. ©Suzuki France
Sur un territoire aussi large et dont les temps de déplacement sont plus longs qu’en plaine, le garage s’appuie sur des sympathisants, notamment des réparateurs multimarques, situés dans les montagnes ou les vallées. “Ces derniers représentent environ 10 % du volume“, estime Laurent Dusserre. Soit une cinquantaine de voitures. “Pour nous rapprocher de nos clients, nous faisons également beaucoup de marchés et de foires, ainsi que des expositions dans les centres commerciaux, grands lieux de passage de notre clientèle, poursuit‑il. Ce sont des événements qui fonctionnent bien à condition de savoir les animer.” Il participe également à la Grande Odyssée, une importante course de chiens de traîneau dont Suzuki est sponsor depuis de très nombreuses années.
Village gaulois
Autre particularité de la concession grenobloise : son indépendance. Depuis la cession d’un autre acteur historique Suzuki en 2023, le groupe Favret en Haute‑Savoie, au groupe Jean Lain Mobilités, Seyssinet Alpes Auto est entouré par des géants de la distribution que sont Maurin et le groupe piloté par Jean‑Michel Lain.
“Nous avons eu effectivement quelques tentatives d’approche, mais nous les avons à chaque fois déclinées“, glissent Joseph et Laurent Dusserre qui veulent furieusement rester indépendants. “Si un constructeur est juste avec son réseau de distribution, il n’y a aucune difficulté d’être indépendant“, souligne Laurent Dusserre. Eux‑mêmes souhaiteraient‑ils s’étendre ? “S’il y a des opportunités, nous les regarderons“, considère‑t‑il, lui qui a déjà été approché par des constructeurs chinois, “dont certains ne sont toujours pas arrivés ! “, s’amuse‑t‑il. Il faut dire que le garage n’est pas extensible.
Reposant sur une superficie de 3 000 m², il se trouve à l’ouest de l’agglomération grenobloise, au pied du massif du Vercors. Si l’emplacement du concessionnaire est idéal pour le commerce automobile, deuxième pôle automobile de la ville, après celui de Fontaine (38), à 5 min en voiture, il reste néanmoins à l’étroit, ce qui l’oblige à s’appuyer sur un autre lieu de stockage et “à être très fort pour garer des voitures dans un mouchoir de poche“, sourit Laurent Dusserre.
Outre sa performance en VN, le distributeur s’appuie sur le VO et sur l’après‑vente. “Nous réalisons entre 220 et 240 véhicules d’occasion, principalement de la reprise, car nous avons assez peu de véhicules fournis par le constructeur“, indique Laurent Dusserre. Un vivier dû à une clientèle très fidèle qui n’hésite pas à faire également entretenir le véhicule dans la concession. “Nous pratiquons une politique tarifaire très raisonnable“, souligne Joseph Dusserre.
Avec un prix de main‑d’oeuvre de 76 euros/h HT, il est effectivement très compétitif. Une stratégie payante puisque 80 à 90 % des charges fixes sont prises par l’atelier dans lequel travaillent sept personnes. “Nous réalisons en moyenne 20 entrées/jour, précise Laurent Dusserre en faisant visiter l’après‑vente. Nous disposons d’un parc à 5 ans de 2 500 véhicules.“
“On ne peut pas avoir une part de marché plus de deux fois supérieure à la moyenne sans travailler le service “, insiste Stéphane Magnin, directeur de l’activité automobile de Suzuki France, en déplacement sur le site pour fêter ses quarante ans, qui rappelle que “la concession a vendu 2 800 Suzuki depuis le début de la décennie“. Une très belle performance.





Automobile Magazine-France






































































































