D’année en année, les groupes de distribution deviennent de plus en plus puissants. Un changement de dimension au risque de perdre de vue le client. Le réseau secondaire revêt donc une importance toute particulière pour toucher un nouveau public.
Depuis la diversification des activités des agents, une dynamique est désormais bien ancrée dans la distribution. Les concessionnaires mettent à disposition de leurs agents une partie de leur stock de véhicules afin qu’ils les proposent à leurs clients. Un vendeur du distributeur se rend ainsi régulièrement dans l’agence pour animer le commerce sur le site.
Un processus qui a fait ses preuves, mais qui s’essouffle depuis trois ans. Si, en après‑vente, les agents n’ont pas de contrat qui les lie aux concessions, ce n’est pas le cas lors de l’activité de vente de véhicules.
Pour l’avocat spécialisé en droit des affaires, Me Patrice Mihailov, les agents de marque sont “extraordinairement négligés” par les constructeurs et ce, “pour toutes les marques” dans tous les schémas de distribution.
“Il y a une force de vente et un vivier commercial énorme qui ne sont pas exploités, regrette l’avocat. Les constructeurs ont tellement réduit la marge de leurs distributeurs qu’il ne reste rien à ces derniers pour rémunérer convenablement leurs agents.”
Cette tension sur les marges des véhicules a pu pousser les distributeurs à s’immiscer un peu trop dans le business des agents. Pour rappel, les agents peuvent proposer des véhicules neufs ou d’occasion issus du stock des concessionnaires, qui missionnent un vendeur dans l’agence pour l’animation commerciale.
Une dépendance malsaine ?
“Selon moi, il y a une relation de dépendance excessive et malsaine entre l’agent et le concessionnaire. L’agent doit maintenir son hall aux standards du constructeur, non pour son usage propre, mais pour celui du concessionnaire, qui dépêche sur place un de ses vendeurs au moment de conclure la vente. Pour faire simple, l’agent met gratuitement en place une surface commerciale qu’il entretient aux couleurs de la marque pour le distributeur. Je pose donc la question : existe‑t‑il un autre métier dans lequel un commerçant met gratuitement une surface de vente à disposition d’un autre opérateur ?”
Selon l’avocat, ce rapport de “dépendance” entre le distributeur et l’agent ne devrait pas exister vis‑à‑vis du droit européen. D’autant plus dans le cas du réseau Stellantis, où les agents et les concessionnaires sont en concurrence avec le même contrat de réparateur agréé.
“Le concessionnaire et l’agent sont deux commerçants indépendants l’un de l’autre, potentiellement ou actuellement concurrents, ne serait‑ce que sur l’après‑vente et le VO. Comment est‑il possible qu’entre concurrents, une telle relation de dépendance soit tolérée ? En pratique, on a tendance à considérer que l’agent est un auxiliaire exclusivement dévoué au concessionnaire. Cette idée est contraire à la réalité juridique de leur relation : ils sont indépendants l’un de l’autre et l’agent est libre de déployer les activités de son choix. On voit pourtant des cas dans lesquels un agent ne bénéficiera pas d’une habilitation du constructeur, pour la raison que le concessionnaire entend en disposer seul sur le secteur”, s’agace Me Patrice Mihailov.
L’avocat précise, par ailleurs, qu’un agent qui souhaiterait revendre son affaire pourrait faire face à l’opposition du concessionnaire auquel il est affilié.
“Je considère que les agents doivent s’émanciper des modèles de distribution de marque que nous connaissons. Ils doivent rechercher des produits et des services alternatifs à ceux qu’ils distribuent depuis des années, pour la raison qu’ils n’ont plus leur place dans les réseaux de marque. Je pose la question : quelle est la place de l’agent dans un réseau au sein duquel les distributeurs sont devenus des agents commerciaux du constructeur ?”, ajoute‑t‑il.
Plus d’implication dans l’animation commerciale
La baisse des immatriculations a pu rendre les agents appétissants aux yeux d’un certain nombre de concessionnaires. Ces derniers ont pu lorgner du côté du réseau secondaire pour mettre une main dans le business des agents.
“Pendant un temps, nous avons ressenti une volonté de certains distributeurs de s’imposer dans les agences. Le fichier client reste pourtant le domaine réservé des agents. Or, certains concessionnaires ont tenté d’imposer leur propre DMS ou de le rapprocher de celui du constructeur. Le véritable problème réside dans l’accès au fichier client : c’est la première étape vers une perte d’autonomie, avertit Dimitri Sionnet, vice‑président de la branche Agent de marque de Mobilians et directeur du garage DSI Automobiles de Niort et de Melle (79). En disposant directement de ces informations, le constructeur pourrait, demain, se passer des agents pour aller chercher nos clients.”
Pendant de nombreuses années, certains concessionnaires ont mis au second plan leur activité après‑vente, car le commerce de véhicules était au beau fixe et la remise en état de VO faisait tourner les ateliers.
Mais les difficultés d’un point de vue commercial sur le marché du neuf et de l’occasion ont poussé les distributeurs à faire le focus sur l’après‑vente.
“Certains concessionnaires ont pu voir les agents comme de vrais concurrents, car ce sont des commerces qui sont commercialement bien placés et qui sont forts sur l’après‑vente, affirme Denis Baeza, président du groupement des agents Citroën. Ces derniers ne sont pas dans l’échange et n’ont pas compris que les voitures que les agents ne vendent pas sont des voitures qu’ils ne vendront pas. Ces distributeurs se font de plus en plus rares et les mentalités ont évolué.”
À l’inverse de ce que pense Patrice Mihailov, le président du groupement des agents Citroën souhaite qu’il y ait plus d’animations commerciales dans les agences de la part des concessionnaires.
“Les distributeurs n’ont pas assez de vendeurs ou de chefs des ventes motivés qui gèrent une vraie animation avec leur réseau d’agents et leurs vendeurs et qui mettent en place des voitures dans les halls d’exposition des agents”, déplore Denis Baeza. Selon lui, de nombreux agents ont des halls d’exposition vides et des voitures sur un parc de stockage qui nécessitent des frais quotidiens de gardiennage.
Automobile Magazine-France






































































































