L’électrification concentre toute l’attention des distributeurs automobiles. Au‑delà de la vente de véhicules électriques, proposer une borne de recharge est désormais devenu incontournable.
À partir de 2020, avec un parc de voitures électriques en forte croissance et sous l’impulsion des constructeurs, le sujet s’est très tôt retrouvé sur la table des distributeurs. Des bornes électriques d’abord réservées à un usage interne aux concessions.
L’opportunité d’en faire une activité lucrative a vite fait son chemin dans les showrooms. “À partir de 2021, nous avons perçu une accélération du déploiement de bornes de recharge au niveau national. À cette époque, certains groupes de distribution ont cerné l’intérêt de cette activité et ont commencé à fonder des filiales pour vendre ou opérer leur propre réseau de bornes“, observe Ulysse Delhôtel, en charge du déploiement du programme Advenir pour les professionnels de l’automobile au sein de Mobilians depuis 2022.
Pour les distributeurs, lancer une filiale dédiée à la recharge est l’occasion de proposer des offres complètes lors de l’achat d’un véhicule, en accompagnant le client jusqu’à l’installation d’une borne chez lui ou en lui permettant de venir se recharger à la concession. “C’est un domaine complètement nouveau qui demande des qualifications spécifiques pour les distributeurs, c’est pour cela qu’ils fondent des entités dédiées“, détaille Ulysse Delhôtel.
Wellborne : de distributeur à producteur
Derrière de nombreuses filiales consacrées à la recharge, un nom revient régulièrement : celui de Wellborne, l’entité du groupe de distribution lyonnais Central Autos. Pionnier dans le domaine, son directeur général, Édouard Coquillat, a eu l’idée en 2019 de créer une société entièrement tournée vers la recharge.
“Au lancement de Wellborne, c’était le Far West. Nous avons vu qu’il y avait un marché, mais on ne savait pas par quel bout le prendre“, se remémore Édouard Coquillat. La création de cette entreprise lui a permis d’uniformiser l’offre, mais aussi de se diversifier.
Central Autos a également fait le choix d’encadrer la fabrication des bornes, ce qui fait sa spécificité. Pour ce faire, le directeur général s’appuie sur un partenaire industriel spécialisé dans l’électronique, basé à Shenzhen, en Chine.
Ensemble, ils proposent une gamme allant de la borne de 7,4 kW à celles délivrant plus de 150 kW. Un processus complexe, puisqu’il a fallu adapter le produit aux normes européennes et françaises. Un investissement lourd, mais qui offre aujourd’hui à Wellborne une avance notable.
La première année, l’entreprise a atteint 200 installations. “Je me suis dit : si ça marche chez moi, il n’y a pas de raison que ça ne marche pas chez mes confrères. Si nous structurons bien l’activité et soignons son lancement, Wellborne peut devenir un maillon de rentabilité complémentaire pour un groupe“, souligne Édouard Coquillat.
Le distributeur lyonnais a livré plus de 15 000 bornes et stations, en France comme à l’étranger. Si l’aventure a démarré avec les clients particuliers, la rentabilité vient surtout du BtoB.
L’entreprise compte parmi ses clients plusieurs grands groupes de distribution, comme car Avenue, Chopard, Faurie, DMD, Sipa, PLD ou encore Verbaere. “C’est eux que nous privilégions avec Wellborne. Nous leur proposons un contrat de distribution avec des marges confortables et un niveau de service spécifique“, explique Édouard Coquillat.
Les distributeurs s’engagent à structurer la promesse client, souvent avec une société à part ou en l’intégrant à leur groupe, comme car Avenue WATT ou La Recharge Chopard. En contrepartie, Wellborne assure tout le développement technique.
Cependant, selon lui, ce modèle ne suffit pas : il faut aussi développer l’activité auprès de grands comptes. Un marché BtoB de plus en plus gourmand en solutions de recharge, en particulier avec les nouvelles obligations de verdissement des flottes.
Les hubs de recharge deviennent branchés
La vente et l’installation de bornes de recharge sont l’un des versants pour s’attaquer au marché. Mais se servir de son site en guise de station est une méthode qui se développe de plus en plus.
À l’image d’Emil Frey France, qui a déployé 80 bornes de recharge ultrarapide avec Atlante sur ses sites Autosphere. Du côté des Alpes, le groupe Jean Lain Mobilités a lancé son activité de bornes de recharge dès 2014, à la demande de Volkswagen et d’audi. Le service, initialement intégré au département bâtiment, reposait sur le fabricant de bornes ABB pour équiper les concessions.
Avec la montée en puissance de l’électrification, le groupe savoyard s’est mis à proposer des bornes à ses clients. Mais les retours n’étaient pas positifs car les équipes ne maîtrisaient pas le sujet.
En 2021, la filiale Sowatt Solutions est ainsi créée, à l’initiative du président du groupe Jean‑Michel Lain, qui y voit une opportunité d’accompagner le développement des ventes de véhicules électriques.
“Il y a quand même eu sept ans d’activité avant de créer une société. En 2022, nous avons répondu à un appel de l’Ademe dans le cadre du plan France 2030, puis nous avons pu obtenir plusieurs habilitations pour développer l’activité“, explique Émilie Forster, directrice générale de Sowatt Solutions.
Aujourd’hui, la filiale du groupe propose trois services distincts : la vente et la pose de bornes pour les particuliers et les professionnels, des hubs de recharge ouverts au public et une carte dédiée à la recharge.
Sowatt Solutions opère désormais plus de 1 000 bornes, dont 250 accessibles au public en Savoie et Haute‑Savoie. Ces stations rencontrent un vrai succès, au point de concurrencer tesla dans la région, mais ne sont pas encore rentables.
“Si Sowatt est aujourd’hui rentable, c’est parce que nous avons la vente et l’installation de bornes, qui sont un modèle économique viable, et de l’autre, le métier d’opérateur, qui consomme des capitaux“, souligne Émilie Forster.
Sowatt Solutions espère atteindre la rentabilité de ses stations dans cinq ans. La filiale continue d’investir, avec pour objectif d’accroître son réseau à 1 000 points de charge dans le quart sud‑est de la France.
Une activité aux investissements conséquents
Les hubs de recharge représentent une grande part des investissements de Sowatt Solutions. Pour ses 19 stations, comptant 70 points de charge haute puissance, la société du groupe Jean Lain Mobilités a bénéficié d’un soutien de l’Ademe à hauteur de 4,2 millions d’euros.
D’autre part, dans le cadre de son audi Charging Hub – une station de huit points de charge ultrarapide de 360 kW, capable de délivrer jusqu’à 1,2 MW simultanément , la marque aux anneaux a apporté un million d’euros.
De manière générale, se lancer dans la création de stations de recharge représente un défi dès l’élaboration du projet. “Installer une borne ouverte au public demande des investissements importants, voire colossaux. Dans le meilleur des cas, plusieurs points de charge coûtent des centaines de milliers d’euros, voire des millions“, explique Ulysse Delhôtel.
En mars 2025, le groupe PLD a ainsi installé 77 bornes de recharge à proximité de sa concession ODICEE, avec l’entreprise ChargeGuru. Ce qui a nécessité près de 1,5 million d’euros. “Les retours sur investissement sont assez variables. Les distributeurs qui nous sollicitent nous demandent systématiquement si l’activité est rentable et si elle constitue un levier de diversification. C’est difficile de leur répondre, car actuellement, le marché n’est pas forcément au rendez‑vous. Mais ce que nous constatons, c’est que tout dépend de l’emplacement“, conclut le responsable du programme Advenir auprès de Mobilians.
Une vision que partage la directrice générale de Sowatt Solutions. “C’est vraiment ce qui fait la rentabilité ou non d’un site. Là où nous sommes implantés, au pied des Alpes, il y a beaucoup de tourisme et nous constatons une forte croissance de l’activité. Nous avons ainsi vu notre taux de fréquentation être multiplié par deux cet été“, souligne Émilie Forster.
Si la rentabilité n’est pas encore toujours au rendez‑vous, la dynamique enclenchée par les distributeurs montre que la recharge n’est plus un simple service annexe, mais un pilier incontournable de la mobilité de demain.
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La fin du programme Advenir le 31 décembre 2025
Le programme Advenir permet aux professionnels de l’automobile de bénéficier d’une aide financière de 1 700 à 7 500 euros par point de recharge en fonction de la puissance de ce dernier.
En 2022, Mobilians a obtenu une enveloppe spécifique pour accompagner les différents acteurs du secteur dans l’installation de bornes de recharge et dans la formation, en plus du financement.
Ainsi, près de 4 300 points de charge ont été financés pour les professionnels de l’automobile, dont près de 41 % de distributeurs automobiles. Sur les 4 300 points de charge, 2 240 sont ouverts au public. Précisons que la puissance moyenne des bornes installées est de 66 kW, ce qui correspond idéalement aux véhicules électriques du marché actuellement.
Au Total, 625 dossiers ont été déposés auprès de Mobilians pour bénéficier d’Advenir. Un programme qui prendra fin le 31 décembre 2025, “ce que nous regrettons, car le dispositif suscitait de l’engouement auprès des distributeurs“, déplore Ulysse Delhôtel, en charge du déploiement du programme Advenir au sein de Mobilians.
Automobile Magazine-France







































































































